Les temps changent.
Nous vivons dans une période de réflexion et de remise en question de nos sociétés avec une prise de conscience croissante des enjeux climatiques et environnementaux qui nous impactent en tant que citoyens. Mais aussi dans le monde du sport, en tant que sportifs, athlètes, supporters et consommateurs, en tant que marques, institutions, organisations et médias.
Avant de comprendre les effets du changement climatique sur notre pratique sportive (exposés récemment par WWF France), inversons la question : quels sont les effets de notre pratique sportive sur l’environnement à moyen et long-terme ?
Le sport est l’un des secteurs les plus dynamiques au monde, de par sa popularité notamment -- il influence quotidiennement quelques millions de personnes. Pas étonnant donc que son impact soit aussi environnemental. Prenons les deux événements sportifs mondiaux les plus populaires : les Jeux Olympiques et Paralympiques et la Coupe du monde de football. Leur impact économique et environnemental est significatif et durable : il se fait ressentir sur des décennies.
De la construction d’infrastructures pour le sport de haut-niveau aux déplacements d’athlètes ou déplacements massifs de supporters, en passant par le textile, l’empreinte carbone de l’industrie du sport est considérable et son recours aux ressources de la planète massif. On regarde ça en détails ⤵︎
C’est sans doute l’élément le plus évident quand on tente d’aborder la question de l’impact environnemental du sport : les événements sportifs. Un impact qui se fait ressentir avant, pendant et après.
Pendant l’événement, l’impact est limité car ponctuel -- si on prend la plupart des événements sportifs qui n’ont lieu que quelques heures ou quelques jours et que nous mettons de côté les JO, la Coupe du monde et les grandes courses de cyclisme comme le Tour de France et le Giro. À pointer du doigt : la gestion des déchets et la mobilité surtout. En chiffres :
Avant l’événement, l’impact environnemental est essentiellement dû aux constructions d’installations sportives -- sans parler de l’impact humain. Après l’événement, l’impact environnemental dépend tout bonnement de l’usage de ces mêmes installations sportives : le fameux héritage.
Les “éléphants blancs”, ça vous parle ? Il s’agit de réalisations d’envergure et prestigieuses, souvent d’initiative publique, mais qui s’avèrent plus coûteuses que bénéfiques, et dont l’exploitation ou l’entretien devient un fardeau financier (wikipédia). Par exemple, après la Coupe du monde de football organisée au Brésil en 2014, le flambant neuf stade de Manaus au beau milieu de l’Amazonie (4 ans de construction, capacité de 40 000 spectateurs, 205 millions d’euros) a été complètement abandonné une fois la compétition terminée. On pourrait aussi citer les JO de Rio et leurs stades et piscines déjà obsolescents pendant la compétition, ou même ceux d’Athènes 2004, dont les constructions sont à l’abandon depuis plus de 15 ans (à constater en photos dans ce reportage du Guardian).
Photographe: Thanassis Stavrakis/AP
Bien loin des controversés (à raison) JO de Sotchi, on peut déjà se réjouir des ambitions de Paris 2024 affichées dès le début de la candidature : s’appuyer sur 95% d’infrastructures déjà existantes ou temporaires, réduire de moitié les émissions produites par l’organisation des Jeux et compenser celles qui sont émises.
“Face au plus grand défi de l’Humanité, Paris 2024, organisateur du plus grand événement du monde prend ses responsabilités. Les Jeux de Paris 2024 seront inédits, parce que spectaculaires et durables. Grâce à la sobriété, l’innovation et l’audace, nous imaginons de nouvelles façons de faire, et initions une nouvelle ère dans l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques.”
- Paris 2024
Le recours à l’utilisation massive de ressources ne se limite pas à la seule construction d’infrastructures sportives. Faire vivre ces infrastructures, c’est aussi les entretenir au quotidien, ce qui requiert beaucoup de ressources. Une démonstration en trois exemples.
Sur le podium des sports les plus polluants : le ski. Si la majorité de l’impact écologique de la pratique est causée par les déplacements (60%) et l’hébergement (35%) des pratiquants, les stations peuvent aussi agir à leur niveau. 95% de leur empreinte carbone est d’ailleurs directement lié au damage des pistes. Puis, il y aussi les canons à neige, utilisés de plus en plus régulièrement à mesure que le réchauffement climatique s’accentue et que le manteau neigeux diminue -- pour produire un hectare de neige, comptez une piscine olympique. Sans parler de leur impact destructeur sur la biodiversité.
Savez-vous combien de parcours de golf il y a sur la planète ?
35 000 !
Leur entretien en fait l’une des pratiques sportives les plus polluantes et énergivores. D’abord, parce qu’on recourt massivement aux pesticides et aux engrais pour obtenir un gazon parfait. On estime en effet que 18 kg de pesticides sont utilisés par hectare et par an -- à titre de comparaison, on en compte 2,5 kg par hectare et par an pour l’agriculture. Mais surtout : 9,5 milliards de litres d’eau seraient utilisés chaque jour dans le monde pour arroser les pelouses. Cette consommation massive d’eau crée aussi des tensions économiques et écologiques dans certaines régions (comme en Californie). Des initiatives pour une pratique du golf plus durable ont vu le jour mais restent minoritaires : comme le recours à une pelouse artificielle, une herbe moins consommatrice d’eau ou une optimisation des arroseurs automatiques.
Les pelouses toujours, mais celles des stades de football. La majorité sont en gazon naturel et les entretenir est non seulement très coûteux mais aussi néfaste. En France, pour entretenir 30 000 terrains, on estime que les clubs consomment plus de 100 millions de mètres cubes d’eau -- soit la consommation annuelle de 2 millions de Français. Là aussi, il faut compter sur les pesticides et fongicides responsables de la pollution du sol et d’émissions de gaz à effet de serre. Mais là aussi, il existe des alternatives. Comme celle de l’AS Monaco (Ligue 1, France) qui a massivement réduit son utilisation d’insecticides et de fongicides ainsi que sa consommation d’eau.
L’impact écologique du sport, c’est aussi celui de notre armoire. La fabrication de chaussures et de vêtements seraient responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre -- plus que les trafics maritime et aérien réunis. De la fabrication à l’utilisation, on explore tout ça en détail.
80% de l’impact environnemental de l’industrie du textile correspond à la production. Il s’agit du deuxième secteur le plus consommateur d’eau au monde, notamment pour le coton. Un chiffre à retenir : il faut compter environ 79 milliards de mètres cubes d’eau chaque année pour le secteur. Alors que 2,7 millions de personnes vivent sans accès à l’eau.
Du côté des vêtements adaptés à la pratique sportive, ce n’est pas le coton très consommateur d’eau qui prime mais le polyester et les polyamides. Privilégiés par les fabricants pour leur respirabilité, leur élasticité et une meilleure évacuation de la transpiration -- et aussi parce qu’ils sont bon marché. Pourquoi c’est un problème pour l’environnement ? Ces matières synthétiques sont issues de matières fossiles : non-durables et extrêmement polluantes.
Prenons le polyester : 55% des vêtements produits dans le monde (et pas seulement pour le sport) en sont composés. C’est une fibre issue de la pétrochimie, une sorte de plastique, donc de pétrole. La pétrochimie est un procédé très gourmand en eau et en énergie qui nécessite chaque année 70 millions de barils de pétrole, l’équivalent de 21 000 piscines.
Et les polyamides ? On parle surtout du nylon qui représente 9% des tissus fabriqués. Comme le polyester, il est issu de la pétrochimie (pétrole) et pose les mêmes problèmes environnementaux. Son processus de fabrication est extrêmement polluant : produire du nylon crée de l’oxyde d’azote ou oxyde nitreux (N2O), un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant (comprendre “réchauffant”) que le CO2.
Pour aller plus loin et explorer l’impact de la fabrication de textile pour le sport, on vous conseille cet article.
L’industrie du textile est la deuxième industrie responsable de la pollution aux microplastiques. Cette pollution provient de la fabrication, mais pas que…
Après une bonne séance de sport, direction la machine à laver. Sauf que : laver votre brassière et votre legging qui contiennent du polyester et des polyamides, ce n’est pas anodin.
A chaque lavage, 9 millions de micro-plastiques voyagent depuis la machine à laver, traversent les stations d’épuration pour finir dans l’océan. Ces micro particules invisibles à l'œil nu ne sont pas sans effet sur notre environnement et sur les animaux marins qui les ingèrent sans pouvoir les digérer (les particules se logent alors dans leur chair). Au total, ce sont 500 000 tonnes de micro-plastiques qui sont relâchés dans l’océan chaque année via nos machines à laver, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique.
Pour aller plus loin, jetez un œil à ce rapport très fourni publié par Greenpeace qui s’est penché sur le sportswear dans le football.
Alors oui, c’est pas beau à voir tout ça. Heureusement, les choses changent ! Portées par des consommateurs plus avertis, les marques spécialisées dans le sport prennent peu à peu conscience de leur impact écologique et se mettent en ordre de marche pour proposer des alternatives plus respectueuses de l’environnement (comme des fibres naturelles ou recyclées). C’est le cas de Merrell, Patagonia ou Girlfriend Collective, pour ne citer qu’eux, qui ont fait de ce sujet une priorité. Ou des géants du sportswear comme Adidas et Nike qui se sont engagés à réduire leur impact environnemental, notamment leur pollution plastique.
Si cette liste n’est pas exhaustive, elle permet de confirmer que la pratique sportive joue aussi sa part dans le réchauffement climatique. Entre recours massif aux ressources de la planète et pollution des sols et des océans, l’industrie du sport doit et peut éviter, limiter ou compenser son impact.
Parce que la pratique sportive qui rythme nos vies rythme aussi celle de la planète, il est temps de trouver de nouvelles solutions et de développer les alternatives déjà existantes pour protéger notre seul et unique terrain de jeu.
Car l’impact du changement climatique sur le sport se fait déjà ressentir.
Comme n’importe quelle autre activité humaine, le sport sera directement impacté par les conséquences du dérèglement climatique. Quels que soient les acteurs. Amateurs, athlètes de haut niveau, organisateurs, institutions, territoires… tous devront s’adapter.
Pour vous parler du changement climatique et de son impact sur la pratique des sportifs et des athlètes, nous nous sommes appuyés sur le rapport publié par notre partenaire WWF France “Dérèglement climatique : le monde du sport à +2°C et +4°C” en 2021. Avec une conclusion alarmante : le dérèglement climatique pourrait faire perdre jusqu’à 2 mois d’activité sportive par an.
“En tant que sportifs, nous dépendons aussi des éléments naturels amenés à évoluer plus ou moins fortement en fonction des niveaux de dérèglement climatique, et donc des décisions prises pour le contenir et s’y adapter. Quelle skieuse sans neige ? Quel rugbyman ou marathonien à 40 ou 45 degrés ? [...] Le climat influe non seulement sur les performances, mais aussi sur la pratique du sport tout court.” - Isabelle Autissier, Présidente d’honneur Du WWF France
Dans son rapport, WWF France choisit de se concentrer sur deux scénarii très documentés par les scientifiques et notamment par le GIEC :
À noter que ce rapport se concentre essentiellement sur la pratique du sport en France.
Les trois dernières décennies ont été les plus chaudes depuis 1850 avec des vagues de chaleurs toujours plus intenses et fréquentes. Une accélération qui va se poursuivre avec une prévision clé : d’ici à 2050, la fréquence des canicules devrait doubler.
Ces canicules et vagues de chaleur successives mettraient en danger la santé des pratiquants (le sport est déconseillé au-delà de 32°C) et désorganiseraient toutes les pratiques (encadrées et non-encadrées). Selon le rapport du WWF France, dans un monde à +2°C, les pratiquants de sport pourraient perdre jusqu’à 24 jours de pratique. Jusqu’à 66 jours même, dans un monde à +4°C.
Et les compétitions ? Souvenez-vous, l’Open d’Australie 2014, une véritable fournaise pour les joueurs de tennis avec des températures au-delà de 41°C. À l’avenir, de plus en plus de compétitions sportives seraient impactées, avec un réel danger pour la santé des athlètes. Coups de chaleur, fatigues anormales, malaises…
Au-delà de la santé, ce serait aussi un coup dur pour la performance. On estime que la température idéale pour les sports à forte intensité sur une courte durée (sprint) est de 23°C, et de 10°C pour les sports prolongés (marathon). La fin des records ?
Surf, nage en eau libre, voile… Le bon déroulement de ces pratiques dépend entièrement des conditions environnementales et météorologiques.
Avec la hausse du niveau de la mer provoquée par la fonte des glaces et le réchauffement des océans, on constate l’accélération de deux phénomènes : l’érosion côtière et les inondations. Pour quelles conséquences ? En 50 ans, en France, 30 kilomètres carrés de surface terrestre ont déjà disparu (soit 4200 terrains de football). Et ce n’est que le début. Dans un monde à +4°C, le niveau de la mer pourrait s’élever encore jusqu’à 1 mètre ou plus.
Ce n’est pas sans impact sur les pratiques sportives nautiques comme la voile. Pour les pratiquants : risque accru de coup de chaleur et de noyade. Pour les organisations : une très grande partie des clubs de voile français seraient menacés par l’endommagement des infrastructures, voire leur perte (1/7 est situé sur le littoral).
La pratique en intérieur aussi serait impactée par le réchauffement climatique (à +2°C comme +4°C) : les vagues de chaleur sont une menace pour les salles de sport dont la moitié est inadaptée aux vagues de chaleur. Ce qui réduira de plus en plus leur accessibilité.
C’est un défi climatique pour les collectivités, très souvent en charge des salles de sport qui accueillent les rencontres sportives de tous niveaux. Une seule solution : s’adapter et rénover en prenant en compte les évolutions du climat, celles d’aujourd’hui et celles de demain.
L’état de la pelouse est un critère essentiel pour le bon déroulement d’un match, pour la performance et pour la protection des joueurs. Elle amortit les chocs et ménage les articulations. Voilà pourquoi on prête autant d’attention à ce gazon.
Terrain communal ou terrain de stade national, tous sont concernés par l’intensification des épisodes de sécheresse et autres événements météorologiques extrêmes qui exacerbent la sécheresse des sols.
Plus exposées au stress hydrique et thermique, les pelouses sont fragilisées par le dérèglement climatique et les stades, de moins en moins exploitables.
À noter qu’au-delà de 32°C, le danger de mort du gazon est imminent. Dans les deux scénarii envisagés par WWF, la hausse des températures entraînerait une augmentation des jours en vagues de chaleurs : de +5 à 30 jours dans un monde à +2°C, de +20 à 62 jours dans un monde à +4°C -- selon la localisation des terrains. Avec pour conséquence : des pelouses complètement grillées difficiles (et coûteuses) à remettre en état. Et donc, des conditions moins favorables pour les pratiquants.
La hausse des températures a deux conséquences principales sur la pratique des sports d’hiver : l’intensification de la fonte du manteau neigeux et la réduction des chutes de neige (provoquée par l’élévation de l’altitude de la limite pluie/neige).
On ne va pas y aller par quatre chemins : nous n’avons pas de quoi être optimiste.
D’abord, pour chaque degré de réchauffement de la planète, il faut compter un mois d’enneigement en moins en hiver par an. Ensuite, dans un scénario à +2°C on pourrait perdre 30% de l'épaisseur du manteau neigeux des Alpes. 80% dans un monde à +4°C. Enfin, on peut prévoir une intensification des épisodes extrêmes comme les avalanches ou les glissements de terrain.
Des conséquences désastreuses pour les stations et toutes les personnes qui les font vivre (12 000 emplois en France).
Et si le sport était finalement une partie de la solution ? Parce que sa capacité d’influence est inégalable, le sport peut jouer un rôle clé dans la protection de l’environnement.
“Peu d’autres secteurs sont aussi visiblement exposés aux impacts du changement climatique que le sport. De même, peu d’autres secteurs ont un potentiel aussi important pour faire partie de la solution au changement climatique que le sport.“ - Niclas Svenningsen, Directeur de l’action mondiale pour le climat à l’ONU
Le rapport WWF France partage des recommandations. Nous détaillons ici trois d’entre elles ⤵︎
Au même titre que le respect !
WWF France recommande aux institutions d’initier le mouvement. Par exemple en inscrivant la lutte contre le réchauffement climatique dans les règlements sportifs et en prévoyant des sanctions en cas de manquement.
À explorer :
Équipementiers sportifs, organisateurs d’événements, institutions, clubs… Les acteurs du secteur doivent affirmer leur engagement en faveur de l’environnement, clarifier leur stratégie et engager des actions ambitieuses.
À explorer :
Central dans la vie des citoyens, le sport peut contribuer à promouvoir les bons comportements. Ici, encore une fois, tous les acteurs ont un rôle à jouer. Notamment les acteurs à la portée médiatique importante : les diffuseurs, les équipementiers, les sponsors, les organisateurs d’événements, et bien sûr… les athlètes.
À explorer :
Pour découvrir les autres recommandations, téléchargez le rapport de WWF France.
Chacun, à son niveau, peut contribuer à l’effort du monde du sport en faveur de l’environnement, contre le réchauffement climatique. En adaptant notre pratique, en repensant nos modes de consommation et en inventant des alternatives durables.
Chez Sport Heroes, nous nous efforçons de sensibiliser les membres de nos communautés de sportifs à la cause environnementale.
De juin 2019 à juin 2020, avec l’initiative Heroes for the Planet, nous avons invité les amateurs de sport à relever des défis mensuels à pied, à la nage ou à vélo pour soutenir l’action d’associations qui œuvrent pour la préservation de l’environnement. 8 millions de personnes ont parcouru 15 millions de km, ce qui nous a permis de récolter 32 000€ de dons.
Depuis début 2021, nous allons plus loin en nous associant à WWF France. Nous créons des campagnes avec pour objectif de sensibiliser les sportifs aux enjeux environnementaux, mener des levées de fonds et participer à des travaux ayant pour objectif le changement des comportements des sportifs.
Vous en voulez plus ? Découvrez l’opération Earth Hour menée sur notre communauté Running Heroes : un maximum de participants, zéro kilomètre. On a encouragé notre communauté à courir déconnectée pour soutenir le mouvement et laisser la planète respirer.
Sources :